Il n’y a pas plus précieux que la mémoire musculaire.
Les entraînements quotidiens lors de la pratique d’un sport de haut niveau, ressemblent aux “tubes” que l’on a biberonné pendant sa jeunesse : ils sont des repères gravés dans la mémoire, et reviennent aisément aux moindres prémisses de notes musicales.
Plus concrètement, cette répétition du geste technique, démultipliée à l’infini pendant des heures d’entraînements, et échelonnée sur des années, devient un repère scarifié à vie dans la mémoire musculaire.
C’est cette flamme mémorielle qu’il faut raviver pour progresser à nouveau. Elle est comme une liane à laquelle on se raccroche en toute confiance au moment de sauter dans le vide que représente cette nouvelle situation.
Rien de tel que de se battre en terrain connu…
La mémoire musculaire. Extrait du chapitre 24 :
Je commençai par dix minutes par jour. Puis quinze. Puis vingt. Et au bout de quelques semaines, je passai à trente minutes : aux portes du travail de fond. Je montais mon rythme cardiaque à cent quarante pulsations par minute, voire cent cinquante, et je terminais la séance bien dégoulinant de sueur.
Le cœur étant à nouveau en pleine forme pour l’endurance, j’entrepris de revenir à mes premières amours sportives grâce à la piscine. Elle totalisait dix mètres en longueur, qui, jadis, m’auraient semblé un peu courts. Mais là, cette distance était suffisamment grande pour que, dans mon état, je reprenne un semblant d’entraînement de natation. Au début, il s’agissait de faire trois séries de cinq allers et retours. Chaque série représentait donc cent mètres, ce qui me permettait de repenser la composition des entraînements comme au temps de ma grandeur « olympique », mais avec moins de zéros sur la distance parcourue. À l’aube de mes quarante ans, je pouvais réaliser un entraînement en bonne et due forme de quatre kilomètres, pendant la pause de la mi-journée, deux à trois fois par semaine. J’avais encore de bons restes techniques. Et les endorphines produites me permettaient d’entamer la deuxième partie de la journée de manière très sereine.
Maintenant, à l’aube de mes cinquante ans et après un AVC qui m’avait « fusillé » tous les câbles de la commande locomotrice du côté gauche, j’étais presque satisfait de faire trois cents mètres dans l’eau. Mais durant ce premier été, ces trois cents mètres devinrent quatre cents mètres, puis cinq cents mètres, et au fil des jours je pus me rapprocher du kilomètre, avec différents exercices pour faire travailler mon côté gauche. Dix ans de compétition à faire des longueurs dans des bassins, parfois six jours sur sept, cela imprime une certaine mémoire musculaire. Les sensations d’être suspendu dans l’eau ne s’oublient pas. Je dirais même que dans mon cas, elles étaient rassurantes. Plus par leur côté anti-pesanteur, car, lorsqu’il fallait utiliser une nage symétrique comme la brasse ou le papillon, la réalité de mon handicap revenait au galop. Pour nager droit, il fallait que je triche comme quand je me baladais sur mon fauteuil roulant à la clinique.